Carte d’identité : déjà en haut de la fiche

Ses détracteurs l’ont surnommé le «fichier des gens honnêtes» : la carte d’identité sécurisée, censée protéger de l’usurpation d’identité, inquiète et divise. A l’image du bras de fer entre la majorité de l’Assemblée et le Sénat de gauche, lequel débattra à nouveau sur le sujet mardi. Cette carte d’identité, soutenue par Claude Guéant, pourrait contenir assez de données biométriques (empreintes digitales, couleur des yeux…) pour désigner un individu au sein d’un fichier rassemblant tous les Français. Ces informations seront contenues dans une puce électronique. Une autre puce doit servir de signature électronique sur Internet pour des échanges commerciaux et administratifs. «Liberticide», selon la gauche, qui préconisait d’utiliser des données biométriques moins ciblées.

 

Inquiétudes. Le litige porte sur la nature du lien à établir entre les données biométriques d’un individu, portées sur cette carte d’identité, et celles de tous les Français qui seront centralisées dans un fichier. Pour Guéant, seul un «lien fort» permettra une véritable protection de l’identité : les données recueillies sur le terrain pourront être mises en correspondance avec celles d’un seul individu du fichier. Le Sénat défend en revanche un «lien faible», le jugeant plus protecteur des libertés : «Il permet de savoir si le porteur de la carte est le vrai titulaire, mais sans fournir son identité, explique Jean-Jacques Urvoas, secrétaire national chargé de la sécurité au PS. On identifie la fraude, mais pas le fraudeur. Or, l’objet de la proposition de loi sur la carte d’identité est de lutter contre l’usurpation d’identité. Le « lien faible » est suffisant.»

 

Sachant que le dernier mot reviendra à l’Assemblée le 29 février (vote solennel le 6 mars), où la majorité est partisane du «lien fort», c’est le spectre d’un fichage général qui se profile. Dès le mois de décembre, la Ligue des droits de l’homme a fait part de ses inquiétudes avec le Syndicat de la magistrature et le Syndicat des avocats de France : «L’ensemble de la population verra donc ses données biographiques et biométriques d’identité fichées au ministère de l’Intérieur. C’est une disposition démesurée et dangereuse pour les libertés publiques.»

 

Ethnicisation. Un survol de l’actualité suffit à constater l’importance prise par la surveillance et les fichiers. Mercredi, une étude de l’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales commandée par le ministre de l’Intérieur tentait de souligner l’importance de la part des étrangers mis en cause dans des infractions(lire page 5). Elle s’appuyait sur le fichier Stic, aux données notoirement contestables (lire page 4). Deux semaines plus tôt, la Commission nationale de l’informatique et des libertés condamnait une entreprise toulousaine qui avait constitué 4 000 fichiers vidéo de ses salariés, surveillés par huit caméras.

 

Les bases électroniques ont facilité l’extension du fichage… pas leur clarification, ni leur nettoyage. Une autre dérive inquiète les associations : l’ethnicisation des listings. Le fichier Oscar recense les étrangers, roms dans leur écrasante majorité, qui acceptent l’aide au retour. Le fichier Canonge, que la police utilise pour présenter des photos de suspects aux victimes, comporte, lui, une typologie différenciant les items «asiatiques» ou «maghrébins»…

 

Il en coûte de résister : la loi prévoit un an de prison et 15 000 euros d’amende pour ceux qui refusent un prélèvement ADN. La cour d’appel d’Amiens a ainsi condamné le 3 février l’ex-Conti Xavier Mathieu à 1 200 euros d’amende pour l’avoir refusé, après sa condamnation pour les dégradations de la sous-préfecture de Compiègne. La CGT a demandé «l’abrogation des dispositions sur le fichage des syndicalistes».

 

SONYA FAURE

 

source : Libération.fr
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