Partage Social Club présente la justice restaurative

Partage Social Club a diffusé, lors de la semaine internationale de la justice restaurative 2017, une vidéo pour présenter cette mesure encore méconnue en France.

Heloise Squelbut, coordinatrice du service justice restaurative à l’APCARS (SRJR), a expliqué les objectifs et les bienfaits de cette approche pour les victimes et les auteurs.

Découvrez l’article et la vidéo ci-dessous:

Quand les victimes et les auteurs d’infractions prennent la voie du dialogue

Vous croyez peut-être que la dernière personne qu’une victime d’accident de la route à envie de croiser, c’est un conducteur comme celui qui a fait vaciller sa vie. Et inversement. Pourtant, ils ont parfois beaucoup à se dire.

Par Juliette Harau
mardi 21 novembre 2017

« Je suis tombé du ravin ». Ces mots, prononcés par un homme – nous allons l’appeler Marc – condamné plusieurs années auparavant pour vol avec violences, ont marqué Héloïse Squelbut. Elle anime des rencontres de groupe entre des victimes et des auteurs du même type d’infractions, comme des braquages, des vols avec violence, ou encore des accidents de la route meurtriers. « Cet homme était sorti de la délinquance depuis des années déjà, contextualise cette facilitatrice des échanges. Il avait voulu participer à ce dispositif et il voulait s’amender auprès des victimes. » À l’issue de la première rencontre en groupe, Marc partage donc, avec ses mots, sa stupéfaction quant aux répercussions dont témoignaient les victimes et qu’il n’avait jamais envisagées pendant toutes ces années.

« Lors de ces rencontres, on entend une réalité différente, traduit l’animatrice. Les participants disent que ça casse les préjugés. »

Au fil des discussions, les uns et les autres se rendent compte que les victimes ne « passent pas à autre chose » après la condamnation, ou que la prison n’a rien de « dorée ». Toutes les personnes présentes sont volontaires. Aucune n’obtient de compensation.

Ce dispositif de dialogue encadré fait partie de la justice restaurative, une démarche complémentaire à la justice pénale et intégrée dans la loi Taubira de 2014. Il ne s’agit pas seulement des rencontres auteurs-victimes mais de « toute mesure permettant à une victime ainsi qu’à l’auteur d’une infraction de participer activement à la résolution des difficultés résultant de l’infraction » et « mise en œuvre par un tiers indépendant formé à cet effet ».

« On ne parle pas forcément de pardon ou de réconciliation », précise Héloïse Squelbut, qui opère au sein de l’APCARS (Association de politique criminelle appliquée et de réinsertion sociale) mais de « rétablir un dialogue et de réenvisager la vie ensemble ».

« C’est une philosophie de vivre ensemble, une façon de traiter les conflits, explique Katerina Soulou, une doctorante grecque qui développe sa thèse sur « Le traitement restauratif de la criminalité » à l’université d’Aix-Marseille. La question qui se pose préalablement n’est pas de déterminer qui est coupable et comment on va punir, mais plutôt quelle est la souffrance humaine provoquée par l’acte infractionnel et comment on va la réparer. »

« On nous prenait pour des apprentis sorciers »

Les premières mises en place de ces mesures ont commencé avant même le cadre législatif, avec des rencontres détenus-victimes (RDV) dans la maison centrale de Poissy, dans les Yvelines, en 2010.

Olivia Mons, porte-parole de la fédération France Victimes qui a participé au lancement de ces premières expérimentations, se souvient de la réticence de certaines associations : « On nous prenait pour des apprentis sorciers ». Pourtant ces dispositifs existent dans de nombreux pays depuis plusieurs années et ont fait leurs preuves. Au Québec par exemple, les premières rencontres détenus-victimes ont eu lieu en 2001, et la Belgique a mis en place des mesures restauratives pour les mineurs dans le cadre d’une loi datant de 2006.

« Ce n’est pas dans notre culture et en même temps il y a toujours eu des témoignages de victimes qui ont souhaité rencontrer les auteurs, rappelle Olivia Mons. Les personnes lambda ont souvent une vision erronée de la psychologie d’une victime. Ils la voient comme quelqu’un qui veut se venger et qui souhaite que l’auteur prenne le maximum. »

À rebours de ce qu’elle constate aux côtés des victimes. Des rencontres s’organisent même, de façon informelle, au parloir, note-t-elle. « Mais celles-là ne sont pas très restauratives », faute de cadre et surtout de préparation.

Les rencontres de groupe comme celles organisées par l’APCARS ont elles un fonctionnement très défini. Les participants rencontrent d’abord les encadrants lors de trois entretiens individuels. Les auteurs qui ne reconnaissent pas les faits ou les victimes qui sont animées par un trop grand désir de vengeance sont écartés du processus.

Ensuite, le groupe est généralement constitué de trois victimes, trois auteurs, deux représentants de la société civile bénévoles et des animateurs. Un psychologue est disponible à tout moment pour les participants, y compris après les rencontres. Quatre ou cinq séances sont organisées, une fois par semaine. Elles se déroulent en prison, si les auteurs sont encore détenus, ou en milieu ouvert s’ils ont terminé leur peine. À l’issue de chaque rendez-vous, un bilan entre victimes, et un autre regroupant les auteurs, sont organisés. Un mois après la fin du cycle de rencontres, l’ensemble du groupe se retrouve pour que chacun témoigne de ce que ce dispositif lui a apporté ou non.

« Se montrer comme autre chose qu’un monstre »

Alain a pris part à ces rencontre en tant que victime. Dans cette vidéo publiée par l’Inavem – l’ancien nom de France Victimes – et l’Institut français de la justice restaurative, il raconte, 18 ans après les faits, avoir ressenti « de l’apaisement parce que j’ai pu dire exactement (aux auteurs) ce qu’une victime ressentait ».

Dans cette démarche, les participants deviennent acteurs de leur reconstruction. « Le procès n’apporte pas forcément les réponses que les victimes attendent, souligne ainsi Olivia Mons. On ne peut pas se réparer uniquement par le biais d’une action extérieure. En plus, la réponse pénale ne met pas la victime au centre, elle n’est que le troisième acteur dans le procès, après les deux parties que sont la société et le prévenu ou l’accusé. »

Les auteurs d’infractions vivent aussi une expérience très différente dans le cadre de la justice restaurative. « Il y a une prise de conscience des répercussions subies par la victime, rapporte Héloïse Squelbut, la médiatrice, mais l’intérêt c’est aussi de se voir réhumaniser dans le regard de la victime, de se montrer comme autre chose qu’un monstre. »

Restaurer le lien social

En réintégrant l’auteur dans la communauté, ces rencontres répondent aussi à un autre enjeu : lutter contre la récidive. Héloïse Squelbut se souvient d’un échange marquant, entre une personne condamnée pour homicide involontaire sur la route, et une autre, grièvement blessée par un chauffard :

« La victime a verbalement secoué les puces d’un auteur en lui disant : “ Tu as déjà oté une vie. Arrête de te morfondre dans ta culpabilité, n’en enlève pas deux. ” Un professionnel aussi bon qu’il soit n’aura jamais autant d’impact que la parole d’une victime qui a subi des dommages important sur son corps. »

La justice restaurative prend aussi d’autres formes que les rencontres auteurs-victimes. L’APCARS souhaite par exemple mettre en place des cercles de soutien et de responsabilité dans lesquels des membres de la société civile s’engagent à accompagner pendant un an une personne sortant de prison pour l’aider à éviter de récidiver.

C’est peut-être dans sa dimension sociale que la démarche est « la moins mesurable et la plus bénéfique », estime Héloïse Squelbut. « Les dispositifs de justice restaurative participent d’une refondation de la société, abonde Olivia Mons. Fantasmer moins sur l’autre permet de restaurer le lien global. »

Pourtant, ces mesures restent encore peu répandues en France. « Normalement dès qu’une infraction a été commise ou subie, tout professionnel devrait pouvoir indiquer qu’il existe ce genre de dispositif, détaille Héloïse Squelbut : la police, les avocats, les magistrats, les éducateurs, les assistantes sociales, les psychologues… On en est très loin. »

 

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