Des détenus condamnés pour des faits liés au terrorisme seront libérables d’ici à 2020. La question de leur prise en charge fait débat, mais devrait être réglée dans les semaines qui viennent.
D’ici à 2020, 57 détenus condamnés pour des faits liés au terrorisme seront libérables. Le chiffre, révélé par RMC lundi, a de quoi inquiéter. Quel est leur profil? Sont-ils vraiment déradicalisés? Comment seront-ils contrôlés? Depuis plusieurs mois, ces questions sont à l’étude au ministère de la Justice et à l’Intérieur. Le plan global pour la prison annoncé par Emmanuel Macron, prévu pour le courant du mois de février, devrait également s’atteler à régler ce problème.
Aujourd’hui, en prison, ce sont les quartiers d’évaluation de la radicalisation (QER), dont le nombre devraient passer prochainement à de trois à six et qui ont remplacé les centres fermés, qui sont chargés d’évaluer la dangerosité des détenus condamnés pour des faits liés au terrorisme avant leur affectation dans un lieu de détention.
Une fois dehors, ceux-ci ne sont pas relâchés dans la nature: « La plupart d’entre eux sont inscrits au FIJAIT, le fichier des individus condamnés dans le cadre de procédures liées au terrorisme », explique Jean-Charles Brisard, président du Centre d’analyse du terrorisme (CAT). « Cette inscription implique la justification de l’adresse de la personne tous les trois mois, ou encore la déclaration d’un déplacement transfrontalier 15 jours avant ce déplacement ».
« Une manière de suivre ces individus, mais pas nécessairement de les surveiller »
Mais pour l’expert, « c’est une manière de suivre ces individus, mais pas nécessairement de les surveiller ». Pour que ces anciens détenus fassent l’objet d’une mesure comme le port d’un bracelet électronique, « il faut qu’il y ait un véritable risque de récidive identifié. Ce qui se fait aujourd’hui apparemment, c’est qu’à chaque fois que l’administration pénitentiaire sait qu’un individu va avoir exécuté sa peine, une note de signalement est adressée au service de renseignement pénitentiaire, qui est en train de monter en puissance. A charge pour eux d’être vigilants et de s’assurer qu’il n’y a pas de risque évident de récidive ».
La mesure de ce risque, c’est bien ce qui inquiète Nathalie Goulet. La sénatrice UDI de l’Orne, impliquée sur la question de la prison et de la radicalisation, estime qu’il sera « très difficile de faire confiance » à ces détenus bientôt libérés. « Il faut éviter le fait qu’ils mentent, qu’ils trichent, qu’ils dissimulent. Après il faut leur assurer une réinsertion. C’est-à-dire trouver du travail, travailler autour de la famille… Il faut du sur-mesure. Et que ce soit pour la formation du personnel pénitentiaire ou dans les SPIP (services pénitentiaires d’insertion et de probation, NDLR), les gens manquent quand même terriblement de moyens dans l’ensemble ».
« Je n’en sais pas plus que vous et c’est ça le problème: je devrais en savoir plus que vous »
Pour Esther Benbassa, sénatrice EELV du Val-de-Marne, co-auteure d’un rapport sur la déradicalisation en juillet 2017, il faut aussi obtenir des garanties sur l’efficacité des dispositifs actuels, notamment les fameux QER. « Nous sommes dans une sorte de bulle vague. Tout s’est fait dans une sorte de chaos, sans concertation, sans évaluation. Moi je veux voir ce qu’on a fait et quels sont les résultats. Je n’en sais pas plus que vous et c’est ça le problème: je devrais en savoir plus que vous ». Contacté, le ministère de la justice indique que « sur leur évaluation, il y a une recherche-action en cours sur les QER, sous la responsabilité scientifique d’un sociologue, donc une personnalité indépendante du ministère de la justice, afin d’évaluer et de dresser un premier bilan ».
Fin décembre, le ministère de la Justice expliquait au JDD que « tous les détenus radicalisés quittant la détention ont vocation à faire systématiquement l’objet d’une ‘note de signalement’ diffusée aux services de renseignement partenaires ». La ministre Nicole Belloubet mise également beaucoup sur un programme judiciaire lancé il y a deux ans à Colmar, ainsi que sur le dispositif RIVE (recherche et intervention sur les violences extrémistes), qui suit actuellement 14 personnes en milieu ouvert.
Des initiatives suffisantes? « Il est urgent de réfléchir à un cadre de surveillance et de contrôle de ces individus », répond Jean-Charles Brisard. « 2020 c’est demain. On en reste encore à des schémas existants: les notes de signalement, etc… Mais après, quelle prise en charge? Quel service? Avec quels moyens on pourra suivre et contrôler ces individus? ». « Tout ça est une alchimie un peu compliquée, et j’espère qu’on arrivera à trouver des solutions. Mais je pense que le gouvernement est tout à fait décidé », conclut Nathalie Goulet.
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