Le bracelet électronique ou « le sentiment de la prison dehors »

Jérôme Kerviel est sorti de prison lundi et a bénéficié d’un aménagement de peine, la pose d’un bracelet électronique. Reste que nombre de condamnés le supportent très mal.

« Je suis super heureux de sortir aujourd’hui. Ce sera plus facile pour moi, mes proches. » Jérôme Kerviel est sorti de prison, lundi, sous bracelet électronique. Cet aménagement laisse penser que la peine sera un peu plus douce pour l’ex-trader de la Société Générale condamné après avoir occasionné la perte de 4,9 milliards d’euros au détriment de l’établissement bancaire.

La surpopulation carcérale et le moindre coût aidant, le recours au placement sous surveillance électronique (PSE) est largement pratiqué en France. Ainsi, au 1er août 2014, les chiffres du ministère de la Justice indiquent que sur 79.143 personnes écrouées, 10.856 bénéficiaient d’un PSE, soit un peu plus de 18% de l’ensemble des condamnés écroués. Mais au-delà des chiffres, la réalité est que la pose d’un bracelet électronique reste une privation de liberté. Insupportable pour certains. Explications.

« Certains détenus refusent le PSE »

« Chez certaines personnes, le bracelet électronique va en effet générer le sentiment qu’elles sont en prison dehors », explique à BFMTV.com Frédéric Lauféron, Directeur général de l’APCARS (Association de Politique Criminelle Appliquée et de Réinsertion Sociale), association d’aide à la fois aux détenus en voie de réinsertion, mais aussi aux victimes. « Il faut bien garder à l’esprit que l’on garde ce bracelet en permanence sur soi, 24 heures sur 24, on ne peut l’enlever ni pour prendre sa douche, ni pour dormir », continue le spécialiste. Ce dispositif peut devenir si insupportable que « certains détenus refusent de voir leur peine aménagée en PSE ».

Concrètement, le bracelet électronique sera « paramétré pour vous interdire de vous rendre dans telle ville, dans tel territoire, dans tel quartier de manière très précise ». La précision, explique encore Frédéric Lauféron est « de l’ordre de quelques mètres » et « varie en fonction des modèles ». Ainsi, explique-t-il, on peut « vous interdire de traverser la rue, ne vous autoriser que le côté droit par exemple et non le gauche ».

« Dans le cas de Jérôme Kerviel le paramétrage sera basé sur son emploi du temps pour lui permettre de travailler », explique le spécialiste. Ainsi, l’ex-trader pourra typiquement « sortir de chez lui à partir de 7, 8 heures et devra être rentré à son domicile vers 19 ou 20 heures, le soir ».

« Une épée de Damoclès au-dessus de la tête »

D’un point de vue juridique, explique Frédéric Lauféron, « la personne est toujours considérée sous écrou ». En cas de « violation de ses obligations territoriales ou s’il se déplace en dehors des heures prévues, le bénéficiaire du bracelet électronique peut retourner en prison ». Bien entendu, cette « révocation » de la surveillance électronique « n’intervient qu’au bout d’un certain nombre d’alertes ». Avant de renvoyer l’écroué en prison, le juge d’application des peines va demander à « vérifier s’il ne s’agit pas d’un dysfonctionnement ».  Mais le bracelet reste « une épée de Damoclès qui est en permanence au-dessus de la tête de ceux qui bénéficient de ce type d’aménagement de peine ».

« Kerviel va devoir gérer ce ‘cadeau’ dans la durée »

Mais le problème que va rencontrer Jérôme Kerviel, après la période d’euphorie initiale, sera de « gérer, dans le temps, dans la durée » son bracelet électronique. « Les études montrent qu’au bout de six mois, cette surveillance 24 heures sur 24 commence à être difficile à accepter », explique le directeur de l’APCARS. Si Jérôme Kerviel fait sa demande de liberté conditionnelle en juillet 2015  comme l’a indiqué son avocat maître David Koubbi (ce qui permettra qu’on lui retire le bracelet), le port du bracelet électronique aura alors duré presque une année. « De l’extérieur, on peut penser que c’est une faveur, un cadeau, mais ce cadeau va, dans la durée, devenir très pesant, trop pesant », explique Frédéric Lauféron.

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