Avis de partenaire : Dominique Verdeilhan, journaliste judiciaire pour France 2

Pouvez-vous vous présenter en quelques mots ? Quel a été votre parcours ?

Dès l’adolescence, j’ai su que je voulais devenir journaliste audiovisuel. Bien que je n’aie pas obtenu mon bac, j’ai réussi à intégrer une école qui formait au métier de journaliste en deux années, avec une alternance d’enseignements et de stages. C’est lors d’un de mes stages, au sein de RTL, que ma carrière a pris un tournant le 13 septembre 1976. En effet, de façon tout à fait aléatoire, un des journalistes de la rédaction m’a transmis un appel d’Antenne 2 qui cherchait de jeunes journalistes pour participer à l’émission « Aujourd’hui Madame » d’Armand Jammot. J’ai décidé alors d’arrêter mes études pour rejoindre cette émission à laquelle j’ai contribué jusqu’à son terme en 1987. J’ai ensuite rejoint la rédaction générale de la chaine, puis couvert ma première affaire à l’occasion du procès de Christian David, inculpé du meurtre du commissaire Gallibert au moment de l’affaire Ben Barka. Ce fut une révélation et la découverte d’un univers passionnant, que ce soit au niveau de la personnalité de l’accusé, de son histoire, du travail des avocats, en l’occurrence Maitres Henri Juramy et Sophie Bottaï et des magistrats. Je trouvais, par ailleurs, la matière judiciaire fascinante et envoutante. N’ayant pas de formation en droit, j’ai donc dû tout apprendre sur le terrain.

En quoi consiste le métier de chroniqueur judiciaire au quotidien ?

La journée est rythmée par les différentes conférences de rédaction: à 9h00, pour le journal télévisé du 13h00, à 10h30 pour le 20h00, à 15h30 pour finaliser le contenu du 20h00 et à 17h00 pour préparer le 13h00 du lendemain. En tant que chroniqueur judiciaire, mon métier implique de participer aux procès que la rédaction a décidé de couvrir, de me tenir au courant de l’actualité judiciaire, de l’instruction de certains dossiers jusqu’aux des réformes législatives à venir. Cela implique d’être :

– disponible et réactif, pour couvrir des événements qui peuvent arriver à tout moment : il m’est parfois arrivé de revenir sur Paris pour la journée afin de réaliser une intervention en plein milieu de mes vacances. Quand on exerce ce métier, on a tendance à vivre à coté de son téléphone.

– synthétique, car je ne dispose en moyenne que de 50 à 60 secondes pour couvrir un sujet or il est indispensable de se limiter à l’essentiel. Pour ma part, j’essaie toujours d’écrire mon texte à l’avance, cela évite d’improviser et de se noyer dans ses idées.

– objectif, pour n’être ni partisan ni tomber dans le voyeurisme : mon leitmotiv est de donner aux spectateurs les éléments de décryptage nécessaires pour leur permettre de saisir l’essence de l’affaire. Bien entendu, nous ne sommes pas des « machines » et il m’est arrivé à certains procès, comme ceux de Fourniret ou du petit Grégory, d’utiliser le « je » à l’antenne tant l’émotion était présente lors de l’audience. 

Dans quelle mesure ce métier a t’il évolué ces dernières années ?

Le métier de journaliste a effectivement beaucoup évolué ces dernières années avec l’avènement des chaines d’informations, d’internet et des réseaux sociaux. De plus, il y a une course à l’audimat, qui pousse chaque média à ne pas perdre son audience au cours d’un reportage.

Au niveau de l’actualité judiciaire, cela a abouti à un changement de pratiques : dorénavant, on ne couvre plus les procès sous la forme de « feuilleton », la priorité étant donné aux moments phares comme le verdict. L’émergence des chaines d’information en direct génère enfin une tendance à commenter l’information plutôt que l’analyser, ce qui est regrettable à mon sens.

Cependant, malgré l’évolution des pratiques, je suis heureux de constater que la solidarité entre confères est toujours aussi présente : lorsqu’un journaliste sort de la salle d’audience pour couvrir son direct ou monter son sujet, nous lui expliquons toujours ce qu’il a manqué car nous refusons la « course au scoop ». J’aime à dire que la famille de la presse judiciaire c’est un peu comme le monde du cirque : un petit milieu, qui se connaît, se soutient et partage les informations.

Quels sont vos souvenirs les plus marquants ? Comment arrivez-vous à gérer la dimension émotionnelle de certains procès ?

Plusieurs procès m’ont marqué mais je retiendrai surtout ceux de Maurice Papon et Marc Dutroux.

Le procès Papon était singulier dans la mesure où il a duré plusieurs mois (7 au total) et me donnait le sentiment d’effectuer un véritable voyage dans le temps à chaque audience.

Les procès concernant les meurtres d’enfants sont toujours très intenses et ne vous laissent pas indemnes : celui de Marc Dutroux m’a particulièrement marqué par l’horreur des faits. Je pense que je n’oublierai jamais la visite de la cache où étaient emprisonnées les victimes.

Si je devais donner une image pour définir mon métier, je dirai que j’agis comme une éponge : lors des procès, j’emmagasine les informations, y compris les plus sordides et le passage à l’antenne me permet de m’en détacher en en communiquant certaines. Pouvoir prendre du recul est nécessaire dans ce métier, bien que notre position nous protège davantage que les magistrats ou les avocats : cependant, il est vrai que cette accumulation de procès donne parfois l’impression d’un mille-feuille, un peu lourd à porter.

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