« Nous allons dresser un état des lieux de l’ensemble des connaissances françaises et étrangères en matière de prévention de la récidive. » C’est ce qu’explique Éric Morinière, chef du bureau des orientations de suivi et de l’évaluation des Spip à la direction de l’administration pénitentiaire, à AEF Sécurité globale. Il est le secrétaire général du comité d’organisation de la « conférence de consensus de la prévention de la récidive », installée par la garde des Sceaux, mardi 18 septembre 2012.
Lors de la réunion d’installation, la ministre de la Justice a présenté les objectifs de cette conférence devant des représentants d’associations et des spécialistes des questions pénitentiaires, parmi lesquels des parlementaires. Les conclusions finales de la conférence seront remises en février 2013. Éric Morinière précise que cette première rencontre a été « l’occasion de définir le périmètre d’étude et la méthode concernant les futures auditions des experts et des syndicats ». Il ajoute que celles-ci débuteront début novembre et qu’ « une grande conférence publique » se tiendra sur deux jours à la mi-février.
« Plusieurs spécialistes québécois, suisses ou encore une universitaire belge ont été désignés membres du comité d’organisation », poursuit Éric Morinière. « Ils vont nous apporter leur expérience, même si, pour des raisons de structure, les modèles étrangers ne sont pas toujours transposables à notre système. » Contacté par AEF Sécurité globale, Éric Pliez, membre du comité d’organisation et directeur général de l’association Aurore, qui s’occupe de l’hébergement, des soins et de l’insertion professionnelle des sortants de prison, explique que « la présence de chercheurs étrangers n’indique pas un retard de la recherche en France. C’est un atout pour aller plus loin dans l’évaluation des outils permettant une meilleure prévention de la récidive ».
Un autre participant, joint par AEF Sécurité globale, regrette en revanche qu’il n’y ait « ni chercheurs du CNRS, ni sociologue, ni économiste dans le comité ». « De plus, il n’y a personne qui soit axé sur l’évaluation. Or, mesurer la récidive, c’est un métier », déplore-til. « Clarifier la démarche » « Cette première réunion a permis de clarifier la démarche mise en place par la ministre de la Justice », explique Éric Pliez. Invité également à la réunion d’installation, le directeur général de l’Apcars (Association de politique criminelle et de réinsertion sociale), Frédéric Lauféron, note quant à lui que « la ministre a donné des premiers éléments de réponse sur la lutte contre la récidive et la surpopulation carcérale ».
Pour Éric Morinière, « il est important de noter que c’est la première fois qu’une réunion de consensus se déroulera sur un temps relativement court de cinq mois ». Cela prouve, selon lui, la « nécessité d’apporter des réponses rapides à un certain nombre d’interrogations sur le problème de la récidive ».
Frédéric Lauféron estime que « la ministre de la Justice a réaffirmé lors de cette réunion le souhait de s’appuyer sur une démarche scientifique en s’entourant d’experts ». « Cela pose des garanties et évite toute position idéologique », se réjouit-il. Il indique par ailleurs que l’Anjap a demandé à la ministre qu’ « un maximum de travaux soient rendus publics et ouverts à la presse pour aider à la compréhension de l’opinion publique ».
Concernant le discours de la garde des Sceaux, Pierre Victor Tournier, directeur de recherches au CNRS, l’a trouvé « très satisfaisant ». « Nous n’étions plus habitué, ces dix dernières années, à entendre parler d’évaluation et de science dans un discours ! », indique-t- il. Il précise que Christiane Taubira a également évoqué la question de la probation et du milieu ouvert. « Elle a souligné le fait que la récidive est un enjeu majeur pour la société et a insisté sur l’urgence de la situation. Elle a d’ailleurs dit qu’il ne fallait pas attendre la fin de la conférence de consensus pour agir et a expliqué qu’un certain nombre de réponses se trouvaient dans sa circulaire présentée en conseil des ministres », mercredi 19 septembre 2012.
De même, l’USM se félicite, dans un communiqué, qu’ « une réflexion large et approfondie, basée sur une approche scientifique, soit engagée ». Un autre participant regrette toutefois que la ministre n’ait pas dit « un mot sur la libération conditionnelle ».
Pierre Victor Tournier ajoute que « l’équilibre entre les différents acteurs est bien respecté. En outre, chaque participant ne représente que lui-même et n’est pas rattaché à un organisme syndical », se félicite-t-il. Pour sa part, l’USM regrette « que les organisations professionnelles représentatives aient été écartées du comité d’organisation de la conférence de consensus au profit de personnalités choisies intuitu personae par la ministre de la Justice ». L’USM espère que le comité saura « s’affranchir d’idées préconçues tournant exclusivement autour des peines de probation ».
Pour sa part, le Syndicat de la magistrature juge, mercredi 19 septembre 2012, « regrettable que la Chancellerie n’ait pas admis la presse » lors de la réunion. Et d’ajouter : « Se défaire de l’emprise sécuritaire nécessitera en effet du courage – et la garde des Sceaux n’en manque pas -, mais aussi une importante pédagogie et une totale transparence, à chaque instant, pour per pour permettre au nouveau souffle impulsé de se déployer pleinement, afin que la raison ait quelque chance de l’emporter sur les fausses évidences qui se sont imposées à la fin des années 1990 et ont fini par interdire tout débat. »