Bilan sur le droit au logement opposable : trois questions à Claude Dilain et Gérard Roche

La Commission pour le contrôle et l’application des lois s’est réunie le mercredi 27 mai pour examiner le rapport de Claude Dilain (Soc, Seine-Saint-Denis) et Gérard Roche (UCR, Haute-Seine) sur l’application de la loi DALO de 2007, instituant le droit au logement opposable et posant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale.

 

Les rapporteurs reviennent sur leurs travaux en présentant leurs enjeux et son contexte :

 

1) Pour expliquer le contexte de la loi DALO et de votre rapport, pourriez-vous revenir en quelques points sur la situation du logement social et des demandeurs en France ?

 

La loi DALO a reconnu en 2007 le droit à un logement décent et indépendant à toute personne n’étant pas en mesure d’y accéder par ses propres moyens ou de s’y maintenir. Ce droit est garanti par l’Etat, qui est désormais soumis à une obligation de résultat et non plus seulement de moyens. Il s’exerce par un recours amiable auprès des commissions départementales de médiation, puis, si nécessaire, par un recours contentieux auprès de la juridiction administrative.

 

Cette loi est intervenue dans le contexte de crise traversé par le secteur du logement après les graves retards accumulés au cours des années 80 et 90 : offre insuffisante ou inadaptée à la demande des ménages à faibles revenus, hausse continue du taux d’effort des ménages pour se loger, progression du nombre de personnes mal ou non logées (estimé à 3 millions).

 

Cinq ans après son adoption et face à la crise persistante du logement, nous avons voulu soumettre le DALO à l’épreuve des faits.

 

2) Quelles sont les raisons de l’échec ou de l’insuffisance de la loi DALO ?

 

Le bilan du DALO est pour le moins décevant. Le respect de la loi est assuré sur la grande majorité du territoire mais les départements dans lesquels l’application de la loi connaît le plus de difficultés sont ceux où la situation au regard du logement est la plus critique : Île-de-France, Rhône-Alpes, Provence-Alpes-Côte d’Azur, Nord-Pas-de-Calais. Au total, des milliers de ménages prioritaires demeurent très mal ou non logés malgré leur situation prioritaire et urgente.

 

Les conditions de réussite du DALO ne sont pas réunies. L’offre locative sociale demeure insuffisante, bien sûr, mais aussi inadaptée d’un point de vue à la fois financier et géographique. En outre, toutes les possibilités de relogement offertes par des logements sociaux pourtant disponibles au titre des contingents réservés ne sont pas exploitées en raison de dysfonctionnements dans les relations entre réservataires et bailleurs sociaux. La juridiction administrative, qui fait face à une charge de travail très importante, peine à percevoir l’utilité réelle de son intervention, qui ne débouche encore que très rarement sur le logement ou le relogement du demandeur à l’issue directe du recours. Le plus souvent, l’État est condamné à une astreinte financière qu’il se verse à lui-même.

 

Enfin, la mise en œuvre du DALO n’intervient pas dans des conditions permettant d’assurer le respect de l’objectif de mixité sociale rappelé par la loi elle-même. Il semble que les attributions de logement aux demandeurs prioritaires se fassent pour l’essentiel dans des territoires déjà très paupérisés.

 

3) Quelles mesures proposez-vous pour développer l’offre locative et faire de la loi DALO un véritable droit au logement ?

 

L’avenir du DALO doit être assuré par le développement d’une offre locative adaptée aux ménages les plus modestes et, surtout, par une amélioration de la gouvernance et le respect des objectifs de mixité sociale. Nous en appelons à une politique volontariste en faveur du logement social et très social se fondant sur un meilleur ciblage financier et géographique des aides à la pierre. Quant aux aides à la personne, aujourd’hui déconnectées des charges de logement réelles, elles doivent retrouver une véritable efficacité sociale. En outre, les conditions de mobilisation du parc social doivent être améliorées par la mise en place de fichiers partagés des demandeurs prioritaires à reloger et une plus grande transparence des attributions à travers l’introduction généralisée de méthodes de « priorisation » des demandes partagées par l’ensemble des réservataires. La mobilisation du parc privé en faveur du logement des personnes défavorisées doit également être accrue par la dynamisation des instruments existants et encore sous-utilisés.

 

Par ailleurs, il nous paraît indispensable d’aménager le cadre de gouvernance territoriale du DALO. Dans le cas particulier de l’Île-de-France, seule la mise en place d’une autorité organisatrice régionale pour le logement dotée de pouvoirs d’arbitrage permettra de remédier aux difficultés.

 

Enfin, nous souhaitons que toute la transparence soit faite sur les parcours résidentiels, dans le temps et dans l’espace, des « prioritaires DALO ». A cet égard, l’engagement d’un nouveau chantier de rénovation urbaine doit être l’occasion de mobiliser toutes les politiques de droit commun à l’échelle intercommunale pour lutter efficacement contre la dynamique de ségrégation sociale et territoriale à l’œuvre dans les territoires les plus défavorisés et afin d’assurer au DALO les conditions d’un meilleur avenir.

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