Une mutinerie de quelques heures s’est déroulée à la prison de Valence, dans la Drôme, en fin d’après-midi dimanche 25 septembre. Le scénario est très voisin de ce qui s’est passé deux semaines plus tôt à Vivonne, près de Poitiers (Vienne).
Les faits ont débuté un peu avant 19 heures au sein du quartier maison centrale 2, qui abrite cinquante-deux condamnés considérés comme ayant un profil de dangerosité élevée. Trois détenus sont parvenus à prendre le trousseau de clés à un surveillant après l’avoir violenté. « Ils avaient le visage camouflé par des vêtements et ont frappé le surveillant au visage avant de le molester », précise Sylvain Royère, secrétaire local du syndicat UFAP-UNSA, présent dans le bâtiment au moment des faits. Ils lui ont également subtilisé son appareil de communication radio. Deux surveillants arrivés au secours ont été agressés avant de pouvoir mettre leur collègue à l’abri.
Les trois détenus ont ensuite ouvert la quinzaine de cellules que compte ce troisième étage avant de tenter de provoquer des incendies en mettant le feu aux matelas. Mais cela a surtout dégagé d’importantes fumées. Le reste de la détention est resté calme. Les mutins ont également provoqué des inondations en vidant les extincteurs, après avoir saccagé le bureau du surveillant et endommagé les systèmes de vidéosurveillance.
Les équipes régionales d’intervention et de sécurité (ERIS) de l’administration pénitentiaire, aidées des forces de police, ont dû intervenir pour reprendre le contrôle de la situation et faire rentrer les détenus dans leur cellule. A 23 h 30, un communiqué du ministère de la justice a annoncé la fin de l’incident. Il fait état de « dégâts importants » sur deux étages de la détention et précise que « parmi les deux surveillants blessés, l’un a été conduit à l’hôpital ». Selon M. Royère, il a pu rentrer chez lui vers 1 heure du matin.
Armes artisanales
La prison de Valence ne fait pourtant pas partie des établissements pénitentiaires dont le surpeuplement provoque une forte dégradation des conditions de détention. Le quartier maison d’arrêt, réservé aux courtes peines et aux détenus non encore jugés, comprend 344 personnes, soit le nombre prévu. Le quartier maison centrale, pour les longues peines, comprend 52 détenus pour 63 places opérationnelles. De plus, les installations n’ont rien à voir avec le délabrement de certaines prisons puisque le quartier maison centrale de Valence a ouvert ses portes le 8 novembre 2015. Tous les détenus y sont en cellule individuelle.
Côté personnel, M. Royère reconnaît qu’aucun poste n’est vacant par rapport à l’organigramme officiel. Ce qui n’empêche pas les incidents. « Depuis quelques semaines, les refus de réintégrer les cellules s’étaient multipliés », observe le syndicaliste. « Les détenus réclament des conditions moins disciplinaires et des portes de cellules laissées ouvertes la journée. » Et de signaler, inquiet, des armes artisanales fabriquées avec des miroirs brisés et des lames de rasoir découvertes une semaine plus tôt dans la cour de promenade.
Les agressions de surveillants sont en hausse depuis le début de l’année. Jean-Jacques Urvoas, en annonçant mardi 20 septembre son plan pour l’encellulement individuel, a précisé que 2 500 agressions avaient déjà été recensées sur les sept premiers mois de l’année, contre quelque 4 000 en 2015. Pour le ministre de la justice, la surpopulation carcérale est l’un des facteurs de cette violence.
Les actes de violence sont de nature très variée, comme ce détenu, suivi pour des troubles psychiatriques, qui a agressé le 15 septembre son psychiatre à coup de fourchette à la prison de Gradignan (Bordeaux). A Vivonne le 12 septembre, l’incendie allumé par des détenus, qui là encore avaient pris un trousseau de clés après avoir agressé un surveillant, avait provoqué d’importants dégâts, et les installations électriques ont ensuite été inondées par l’intervention des pompiers. Quelque 80 détenus ont dû être transférés.
Alors que l’administration pénitentiaire était dotée en 2016, pour la première fois depuis de très nombreuses années, d’un budget pour l’entretien de son parc d’établissements à la hauteur de ses besoins (environ 150 millions d’euros par an), le coût de ces mutineries compromet ce fragile équilibre.
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