Debout devant l’accueil du tribunal de Créteil, Khadija (le prénom a été changé) attend, agrippée à une poussette, visiblement un peu perdue. Elle a besoin d’un avocat mais, faute de moyens pour le payer, doit d’abord demander l’aide juridictionnelle.
« Je me suis brouillée avec mon mari. Il m’a frappée. Je veux demander un avocat, j’ai porté plainte mais je ne travaille pas et il m’a mise dehors », explique-t-elle.
Passée quelques minutes plus tôt par le bureau d’aide aux victimes du TGI, le plus important de France, elle veut demander l’aide juridictionnelle (AJ), qui permet aux particuliers les plus modestes de bénéficier d’une prise en charge des honoraires d’avocat et des frais de justice.
Ce matin-là, Tatiana, Nathalie, Hicham ou Karima patientent aussi devant le guichet d’accueil du tribunal pour solliciter cette aide qui doit leur ouvrir les portes de la justice.
Chaque jour, le bureau d’aide juridictionnelle (BAJ) accueille entre 50 et 60 personnes. Toutes, loin s’en faut, n’ont pas le même profil que Khadija même si souvent, elles ont des vies plus compliquées que la moyenne.
« C’est long, compliqué, il faut beaucoup de papiers mais pour le résultat, ça vaut la peine », dit Tatiana, 22 ans, une habitante d’Arcueil qui souhaite divorcer. « L’argent part de tous les côtés », souffle une octogénaire que sa propriétaire veut expulser.
« La majorité des gens sont des personnes qui n’arrivent pas à joindre les deux bouts, même pas pour une procédure de divorce », relève le président du TGI de Créteil, Gilles Rosati.
Début octobre, la garde des Sceaux, Christiane Taubira, a repoussé une réforme du financement de cette aide, à l’origine d’un mouvement de protestation des avocats. Celle-ci aurait entraîné une baisse des tarifs d’indemnisation dans 157 barreaux sur les 161 et permis 15 millions d’euros d’économie sur le budget du ministère.
Pour y avoir accès intégralement, un justiciable doit justifier de ressources inférieures à 929 euros par mois, hors prestations familiales et certaines prestations sociales. Ce niveau est inférieur au seuil de pauvreté (964 euros par mois). Un accès partiel à l’aide juridictionnelle est possible pour les particuliers gagnant jusqu’à 1.393 euros par mois.
« Souffrance »
A Créteil, neuf fonctionnaires sont dédiés à l’aide juridictionnelle. Au premier semestre 2013, le BAJ a rendu 8.578 décisions, dont 6.884 d’AJ totale.
Si, par rapport aux six premiers mois de 2012, les décisions d’AJ en 2013 connaissent un léger tassement, elles ont enregistré une forte augmentation sur la juridiction depuis le début de la crise. En 2008, 11.903 décisions d’aides juridictionnelles avaient été délivrées sur Créteil, contre 13.532 en 2011 et 16.662 en 2012.
« On voit passer des personnes en souffrance qui, de plus en plus, ont de moins en moins de moyens », observe une greffière.
« Avant on voyait des personnes qui avaient des petits boulots, alors que là, il y a beaucoup de personnes sans ressources, au RSA », remarque Me Vélia Volland, avocate à Ivry et membre du conseil de l’Ordre du Val-de-Marne.
« Je croise dans mon cabinet beaucoup de femmes sans ressources, parfois victimes de violences conjugales qui sans l’AJ, ne pourraient pas entamer les démarches pour se séparer de leur conjoint », ajoute l’avocate.
Des situations proches de celle que vit Khadija: « Je ne veux pas qu’il recommence, surtout devant les enfants. C’est trop et ce n’est pas la première fois. Je veux qu’il change, qu’il me respecte », confie la jeune femme.
« C’est un élément essentiel pour l’accès au droit, résume M. Rosati. C’est le dernier recours. Sans ça, ça serait la loi de la jungle, mais une fois que le parcours AJ est fait, tout commence pour le justiciable ».