Récidive : les failles d’un système

Article de Marie-Amélie Lombard publié le 28/01/2011 sur le figaro.fr


Un arsenal de mesures de surveillance existe pour suivre les criminels sexuels. Mais il n’est pas synonyme de risque zéro.


Dès lundi, quinze jours après la disparition de Laëtitia près de Pornic et la mise en examen de son agresseur présumé pour «enlèvement suivi de mort», le garde des Sceaux, Michel Mercier, remettra ses propositions pour éviter de nouveaux «dysfonctionnements». A priori, sans préconiser un changement législatif, le président de la République ayant lui-même indiqué qu’il souhaitait éviter un texte supplémentaire. Le profil criminel de Tony Meilhon, l’agresseur présumé de Laëtitia sorti de prison en février 2010 après avoir purgé sa peine, n’est pas encore bien cerné. Mais, avec le drame de Pornic, a resurgi la question de la récidive des criminels sexuels et celle de leur suivi judiciaire. Chaque crime de ce type s’accompagne de cette interrogation : comment, malgré l’arsenal de mesures existantes, un homme condamné le plus souvent à une lourde peine, identifié comme dangereux, peut-il ensuite passer au travers des mailles du filet ? «Il n’existe pas de risque zéro», répondent souvent les professionnels du monde judiciaire, critiquant une attention politique et médiatique disproportionnée.


Si la lutte contre la récidive s’est beaucoup renforcée ces dernières années, quelques failles persistent. Voici comment se déroule le parcours d’un condamné pour des agressions sexuelles graves (viol, pédophilie) lorsqu’approche sa sortie de prison, et le contrôle qui s’exerce sur lui, une fois qu’il est à l’extérieur.



Les sorties de prison avant la fin de la peine sont-elles la règle ?

L’un des principes posés par les spécialistes de la récidive est qu’une sortie de prison «encadrée» est toujours préférable à une sortie dite «sèche», où, après des années passées en cellule, le condamné est mis dehors du jour au lendemain. Chargé d’une mission sur l’exécution des peines, le député (UMP) Éric Ciotti s’interroge, lui, sur la pertinence de «ces aménagements de peine quasi systématiques». Cependant, tout le monde reconnaît que, face à une surpopulation carcérale chronique, «la pression est forte pour faire sortir les détenus de façon anticipée». Les directeurs de prison sont les premiers à demander aux magistrats de leur accorder cet oxygène, qui permet aussi de maintenir une forme d’espoir pour «les longues peines». Enfin, parmi les criminels sexuels, la récidive, dramatique lorsqu’elle survient, est cependant rare. Le psychiatre Pierre Lamothe, responsable du Pôle santé mentale des détenus à Lyon, livre ces chiffres, personnels, mais communément admis : environ 10 % des violeurs récidivent mais le cas d’un violeur qui tue sa victime lors d’un deuxième viol ne survient qu’une ou deux fois par an en France. Quant au cas de l’agresseur sexuel meurtrier qui récidive, tel l’assassin de la joggeuse Nelly Crémel, il ne se produirait qu’une fois tous les cinq ans. Ce risque, bien qu’humainement effroyable, est donc minime statistiquement.


Comment décide-t-on de la libération anticipée d’un condamné ?

Le plus souvent, ces sorties avant que la peine soit totalement purgée prennent la forme d’une libération conditionnelle, possible à mi-peine, et s’accompagnent d’une obligation de soins. Il s’agit alors de préparer un dossier qui sera soumis au juge ou au tribunal de l’application des peines. En théorie, le condamné doit apporter des garanties : un emploi, un domicile, un effort pour indemniser sa victime. Dans la pratique, une promesse d’embauche, voire une inscription à une «formation structurante» feront l’affaire, de même qu’une simple attestation d’hébergement. Le service pénitentiaire d’insertion et de probation, où exercent des travailleurs sociaux qui connaissent le détenu, donne ensuite son avis sur le dossier, suivi «à 80 %» par les magistrats, constate-t-on généralement. Entre aussi en compte l’expertise du psychiatre qui est censé se prononcer sur le risque de récidive du prisonnier (lire ci-dessous). Sont aussi intégrés les résultats de l’observation du détenu par le personnel pénitentiaire. «Pas toujours pertinents», souligne-t-on puisque les délinquants sexuels sont, souvent, des «prisonniers modèles». Bien entendu, plus le profil est «lourd», condamné pour des infractions graves, plus forte sera l’attention portée avant de prononcer une conditionnelle. «Personne ne veut prêter le flanc à la critique, au point que plus personne ne sort !», lance ainsi Me Benoît Chabert, qui défend nombre de délinquants sexuels.



Comment s’exercent les contrôles ?

C’est le service pénitentiaire d’insertion et de probation (Spip) qui intervient sous le contrôle du juge de l’application des peines (JAP). Là, c’est le «flux à réguler» qui paraît parfois démesuré: un seul magistrat peut avoir quelque deux cents ex-détenus à suivre en même temps… Résultat, «les JAP ont souvent l’œil rivé sur leurs dossiers et oublient qu’il y a des bonhommes derrière», constate un de leurs anciens collègues. Pour l’avocat général à la Cour de cassation et ancien procureur, Yves Charpenel, «ce suivi social, pour être efficace, est très lourd en terme de moyens humains». En général, le bénéficiaire d’une conditionnelle devra pointer une fois par mois auprès du Spip qui s’enquerra de son travail, de ses rendez-vous avec le psychiatre, etc. En cas d’entorses et selon leur gravité, la mesure peut être révoquée, ce qui signifie le retour en prison. À l’inverse, lorsque les Spip sont débordés, le contrôle peut devenir plus élastique…

source : lefigaro.fr
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