Police genevoise: la médiation, de la parole à l’acte

Le conseiller d’Etat Pierre Maudet plaide pour que, en matière de médiation, on passe la vitesse supérieure et annonce dans la foulée un organe de médiation à la police genevoise

La médiation fait l’objet d’une attention médiatique particulièrement soutenue ces dernières semaines. Pourtant, force est de constater que son usage reste encore marginal, pour ne pas dire exceptionnel. Je suis pour ma part résolument favorable à ce mode de résolution alternatif des conflits qui a fait ses preuves aussi bien outre Sarine que dans de nombreux pays démocratiques, et je m’étonne de la réticence générale des tribunaux à son endroit, ainsi que des freins existant face à la médiation pénale ou à son pendant administratif.

Accroissement des affaires judiciaires

Dans son dernier rapport annuel de gestion, paru ce mois, le pouvoir judiciaire genevois souligne l’accroissement des affaires et le manque de moyens à disposition; dont acte. On peut toutefois regretter qu’il cite si parcimonieusement le possible recours à la médiation pour soulager les tribunaux, notamment dans les nombreuses affaires que l’on peut qualifier de mineures et qui finissent par paralyser le système, au détriment de la célérité attendue dans d’autres cas.

«L’Etat encourage la médiation»

Ma volonté n’est bien sûr pas de m’immiscer dans l’activité d’un pouvoir indépendant, mais de prendre mes responsabilités au regard de la Constitution genevoise qui prévoit au chapitre du Pouvoir judiciaire et en particulier en son article 120 que «L’Etat encourage la médiation et les autres modes de résolution extrajudiciaire des litiges». Il s’agit bel et bien de mettre en avant concrètement le processus de médiation, comme une méthode préalable, complémentaire voire alternative, et par extrapolation propice à soulager des juridictions surchargées, notamment dans le domaine pénal où la médiation est plus récente qu’au civil.

La remarque s’applique d’ailleurs tout aussi bien au canton de Genève qui, bien que souvent pionnier dans les droits de la personne, n’a pas, à ce jour, concrétisé la mise en place d’un médiateur administratif, comme le lui impose aussi la Constitution cantonale, dans son article 115. Il est permis de s’en étonner lorsque l’on sait que le Conseil d’Etat, ayant estimé cet article prioritaire, l’avait transcrit sous la forme d’une loi, en septembre 2013, déjà et que le Grand Conseil l’avait suivi en votant un an et demi plus tard, à l’unanimité, la loi amendée.

La médiation tient un rôle majeur

S’il y a lieu sans doute de s’interroger parfois sur l’acquisition des compétences en médiation, en raison notamment de l’absence de protection du titre de médiateur, il n’en demeure pas moins que la médiation a un rôle majeur à jouer en regard de l’évolution de notre société toujours plus judiciarisée, mais aussi face à la perte de confiance des citoyens dans leurs institutions; on peut ainsi, sans hésiter, voir dans la médiation l’émergence d’un mode positif de régulation sociale. J’y crois en particulier dans les domaines où l’Etat exerce une fonction d’autorité, telle celle de la police où un organe de médiation est instauré de par la loi.

Ce qui se fait en Suisse alémanique

Un regard rapide dans les rapports d’activité de collectivités comparables à Genève, en particulier les cantons de Bâle-Ville ou de Zurich, montre l’appétence des citoyens pour ce mode de résolution des conflits qui allie indépendance, souplesse, rapidité, confidentialité et empathie. Un mode de résolution où, faut-il le rappeler, la solution est trouvée par les personnes en conflit elles-mêmes, avec l’aide cruciale et soutenante du tiers médiateur, et non pas par une autorité ou une administration tout aussi bienveillantes soient-elles.

Décharger l’administration

La mise en place de structures de médiation, qu’on les appelle «Ombudsstelle» dans une version plus germanique ou «Bureau de médiation administrative» si l’on en reste à une appellation plus francophone, permet à la fois de soutenir et décharger l’administration dans son travail, d’écouter les citoyens qui s’estiment parfois peu compris ou pas assez entendus, tout en assurant un travail de prévention indispensable face à des conflits latents, qui peuvent – on l’a vu en des circonstances tragiques – prendre des proportions inadmissibles.

Un Etat moderne et responsable ne peut se passer de l’avis critique de ses citoyens. En tant qu’élu exécutif, si j’ai plaisir à avoir des retours positifs sur la politique que je m’emploie à développer, je suis aussi ouvert aux questions et disposé à l’autocritique, car c’est un gage de respect réciproque et de responsabilisation qui engage ensuite chacun dans les actes.

Eviter les conflits en aval

Mon département est constitué en grande partie d’agents de la force publique. Je soutiens leur engagement et salue la qualité de leur travail, mais j’attends d’eux qu’ils rendent des comptes et que leur comportement soit exemplaire. En mettant à leur disposition et à celle des citoyens une structure de médiation indépendante et neutre – l’organe de médiation de la police sera officiellement présenté à la presse lundi 2 mai – permettant à la fois de régler des malentendus en amont mais aussi d’éviter des conflits en aval, je réalise ainsi une volonté politique, maintes fois rappelée, de passer à l’étape suivante en matière de médiation: la concrétisation!


Pierre Maudet, conseiller d’Etat chargé du département de la sécurité et de l’économie (DSE) de la République

Retrouvez l’article sur Le Temps

Partagez :