« La prison fabrique des loups »

Châteauroux. Après un vol avec effraction, Henri a écopé de deux ans. Il évoque ses séjours à la maison d’arrêt d’Orléans et au centre du Craquelin. Témoignage d’un homme aujourd’hui libre. Pour un vol avec effraction, j’ai pris quatre ans, dont deux avec sursis, confie Henri Bourgeois qui vient de payer sa dette à la société. Il est sorti début juin, avec cette envie de témoigner, sans haine, sur l’univers carcéral.

«  Tout circule, il suffit de payer  »

« J’ai commencé ma peine à la maison d’arrêt d’Orléans. Là, on frôle l’enfer dans des cellules de 9 m2 dans lesquelles on peut se retrouver jusqu’à trois. » Petite fenêtre grillagée, lits métalliques superposés, lavabo, WC et « une promiscuité à toute épreuve. Cette prison est conçue pour recevoir cent cinq détenus et lorsque j’y étais, nous étions deux cent soixante ». Cherchez l’erreur. 
L’alcool, la drogue, les téléphones, « tout circule, il suffit d’avoir de quoi payer ». Après onze mois à Orléans, Henri Bourgeois était transféré au Craquelin, à Châteauroux. Un semi-bonheur « car je me suis retrouvé seul dans une cellule de 11 m2 ». Grande fenêtre, eau chaude, télévision : un confort matériel. Et seulement matériel. « Comme dans toute prison, il y a des clans qui se constituent et ces groupes ont un réel pouvoir. On est avec ou contre, mais il n’y a pas de position intermédiaire. »

Et comme Henri Bourgeois se tenait plutôt à l’écart de ces groupes d’influence, « il fallait que je sois toujours sur mes gardes. J’ai pris des coups, j’ai pris des risques dans la cour de promenade, mais je m’en suis toujours sorti. La prison est néanmoins un endroit qui fabrique des loups et il faut apprendre à ne pas se faire mordre ». Quant aux objets interdits, « ils circulent également au Craquelin. Depuis que les fouilles au corps ne sont plus autorisées, beaucoup de choses entrent. Je connaissais un détenu qui achetait des téléphones portables venant de l’extérieur au prix de 50 € et qui les revendait à l’intérieur jusqu’à 300 € ».

Un vécu que cet ancien prisonnier – qui demeure désormais à Châteauroux – a condensé sous forme d’écrits. « Une partie de mes textes devrait être éditée, cet été. Des réflexions sur cet univers carcéral qui seront développées sous la forme de poèmes. » Et puis, ce « taulard écrivain » prépare une bande dessinée sur ce même univers. Des ouvrages qui évoquent, notamment, un des moments difficiles de cette vie : la sortie. « Le 5 juin, à 9 h, je me suis retrouvé de l’autre côté de la porte. Un taxi m’attendait pour un ailleurs qui me faisait un peu peur. » La liberté est parfois difficile à gérer. « J’ai pris une chambre d’hôtel et puis, ma première préoccupation a été de me soigner autrement qu’en prenant du paracétamol. » Un homme qui veut désormais se reconstruire en trouvant un travail et en laissant des traces écrites d’une peine acceptée, mais douloureuse.

Jean-Luc Pavot

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