Détenus en fin de peine : comment préparer la réinsertion ?

Europe 1 a pu suivre cinq femmes détenues lors d’une journée de réinsertion organisée à Auxerre, dans l’Yonne.

Comment se réadapter quand on a passé les dernières années de sa vie en prison ? Les responsables du Centre de Détention de Joux-la-Ville, dans l’Yonne, ont organisé une journée de réinsertion dans le centre-ville d’Auxerre. Cinq femmes détenues, condamnées à des peines de six à vingt ans de prison et dont la détention termine prochainement, ont pu s’immerger dans « le monde libre ». Europe 1 les a suivies lors de cette sortie, durant laquelle elles ont notamment pu gérer leur budget.

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« Des personnes qui sont isolées au niveau familial ». Les femmes présentes à cette sortie ont toutes un point commun : elles seront libérées d’ici six mois à deux ans, après une longue peine derrière les barreaux. Et surtout, elles n’ont jamais bénéficié de permission de sortie, explique Christophe Gallet, directeur pénitentiaire d’insertion de probation du centre pénitentiaire de Joux-la-Ville. « Elles sont sélectionnées par le biais des conseillers d’insertion et de probation. Ça va être en priorité des personnes qui n’ont pas bénéficié de permission de sortie. Des personnes qui sont isolées au niveau familial et qui par ce biais vont reprendre goût à l’extérieur », explique-t-il au micro d’Europe 1.

« Mes yeux coulaient avec le vent, avec le soleil ». Pour sortir, elles n’ont pas franchi un portique de sécurité, mais une porte normale, avant de monter à bord d’une voiture normale. Et ce genre de détails compte pour Sandrine, 32 ans, dont quatre passés en prison. « Ça fait du bien de reprendre contact avec l’extérieur. La clarté de l’extérieur, ce n’est pas la même qu’à l’intérieur. A l’intérieur, c’est plus sombre, et vous tournez en rond. Là, ce matin, ça m’a ébloui, mes yeux coulaient avec le vent, avec le soleil. Tout est illuminé. Quand vous êtes dehors, même votre visage est différent de quand vous êtes dedans », constate-t-elle émue.

« Neuf ans que je n’avais pas mangé de glace ». Une pause en terrasse dans un rayon de soleil sur les rives de l’Yonne et Françoise s’attaque à une conséquente glace à l’italienne vanille-fraise sous le regard touché des surveillants pénitentiaires qui encadrent la sortie et de la juge d’application des peines, qui les y a autorisées. « Je revis. Ça faisait neuf ans que je n’avais pas mangé de glace, j’ai apprécié même si je m’en suis mise partout. C’était super », s’enthousiasme la quadragénaire, les yeux qui pétillent tout en époussetant son grand tee shirt noir tout taché.

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Pour se réhabituer à la vie libre, l’administration pénitentiaire leur a donné 12 euros en liquide, afin de payer leur déjeuner. Et chacune a pu se constituer un budget, de 50 à 200 euros, prélevé sur leur compte personnel. Quelque soit leur budget, les détenues ont la fièvre acheteuse : des livres, des bijoux, des tenues pour le parloir, la « shopping-list » est interminable. S’adresser au vendeur, et même, pour certaines, payer en liquide avec des euros, tout est une redécouverte.

Certaines ne savent même plus quelle taille elles font dans le prêt-à-porter : »En 42, t’es sûre? » s’enquière l’une en farfouillant dans un bac de lot de sous-vêtements.  Mais ça n’empêche pas Françoise et Michelle d’acheter, sans essayer, la même paire de ballerines vernies. Et d’entonner un « nous sommes des sœurs jumelles » de joie derrière la caisse. Françoise les enfile illico, les pieds gonflés par « tant de marche, on n’a plus l’habitude, alors qu’avant [la prison), dehors, je marchais beaucoup ».  A la fin de la journée, trois sur cinq ont glissent leurs tout derniers euros – et parfois même quelques centimes empruntés aux plus raisonnables – dans la caisse automatique du supermarché, un peu décontenancées.

« Ils ne nous voient pas comme des gens comme eux ». « Le fait de rentrer dans une boutique, de parler avec la vendeuse, d’avoir un vrai contact humain pour faire des achats, pour elles, c’est la découverte », constate Christophe Gallet. Et d’ajouter : « même si elles peuvent cantiner (acheter des biens à la cantine, le magasin de la prison), il y a beaucoup de choses auxquelles elles n’ont pas accès. »


Françoise, détenue : « Je revis » par Europe1fr

Mais ce bonheur d’un jour est teinté d’une drôle d’impression. « Je me sens épiée par tous les gens. Ils ont une opinion sur nous. Ils ne nous voient pas comme des gens comme eux. Pourtant, sur notre tête ce n’est pas marqué, mais pour moi si », confie l’une des détenues, approuvée par toutes les autres. Car c’est bien en prison que tous leurs achats leur seront rendus après inspection au vestiaire.
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