Délinquance des mineurs: les mauvais chiffres d’Hortefeux

Article de Cordelia Bonal, puiblié sur Liberation.fr le 6 novembre 2009


Des couvre-feux pour les délinquants de moins de 13 ans. C’est «l’idée» lancée hier soir par le ministre de l’Intérieur Brice Hortefeux, qui l’étaye d’un argument récurrent à droite: la délinquance des mineurs ne cesserait d’augmenter. «La part des mineurs (dans la délinquance) a augmenté de près de 5% en un an, pour atteindre 18%», assène le ministre. +5%, vraiment ? Ce n’est pas ce que disent les derniers chiffres de la délinquance, facilement consultables sur le site du ministère de l’Intérieur.


Certes, en 2008, le nombre de mineurs mis en cause («mis en cause», c’est-à-dire impliqués dans des faits constatés par la police et la gendarmerie, et non pas le nombre de mineurs effectivement reconnus coupables de délinquance), augmente de 2% par rapport à 2007. Mais dans le même temps, le nombre de majeurs mis en cause progresse aussi, et plus vite. Si bien qu’au final, la part des mineurs dans le total des mis en cause (mineurs et majeurs confondus) n’a pas augmenté de 5% en un an, loin s’en faut. En fait, elle diminue: de 0,31 % en 2008 par rapport à 2007 (passant de 18,04% à 17,73% des mis en cause). Un chiffre quasi-stable depuis 2004, et globalement en baisse sur dix ans puisqu’on enregistrait 22% en 1998 et près de 20% en 2002.


La délinquance des très jeunes reste marginale


Toujours plus nombreux, les mineurs délinquants seraient aussi «de plus en plus jeunes», de plus en plus violents et armés, et de plus en plus souvent des filles, nous dit encore le ministre. S’agissant de l’âge, difficile là encore de donner raison à Hortefeux. Si l’on se réfère à la dernière enquête statistique du ministère de la Justice, qui porte sur la période 2002-2006, le nombre de moins de 13 ans pour lesquels le juge des enfants a été saisi pour faits de délinquance est plutôt à la baisse: 3644 en 2004, 3397 en 2006. Le nombre de moins de 13 ans condamnés pour crimes sur la même période est aussi en baisse.


Sauf rajeunissement soudain des délinquants ces deux dernières années, on ne voit donc pas bien d’où Hortefeux sort une telle affirmation. En tout état de cause, la délinquance des moins de 13 ans reste un phénomène marginal: en 2007, les mineurs de moins de 13 ans condamnés ne représentaient que 0,28% de l’ensemble des condamnés.


Le ministre a toutefois raison sur un point: les filles sont de plus en plus présentes dans la statistique policière – même si la délinquance reste très majoritairement masculine. Le nombre de mineures mises en cause pour atteinte aux personnes augmente régulièrement d’année en année: plus de 7000 en 2008, contre moins de 1400 en 1996, selon les chiffres de l’Office national de la délinquance (OND).


Vols à main armée


Laurent Mucchielli, sociologue spécialiste des questions de délinquance, appelle toutefois à relativiser cette féminisation de la délinquance, qui selon lui s’explique moins par un changement des comportements que «par la moindre tolérance induite par la réforme du code pénal. Comme on resserre les mailles du filet pénal, les filles, qui sont généralement des petits poissons en matière de délinquance, apparaissent de plus en plus dans les chiffres». Mais pour Christophe Soullez, chef du département des études à l’OND, les filles sont en réalité de moins en moins des «petits poissons» puisque, souligne-t-il, l’augmentation des mineures mises en cause est «particulièrement marquée pour les coups et blessures volontaires».


Qu’en est-il, enfin, du port d’arme chez les plus jeunes? En l’absence de chiffres, une donnée peut servir d’indicateur: le nombre de mineurs mis en cause dans des braquages avec armes de petits commerces augmente (de 14,4% à 18,5 % entre 2007 et 2008). Ce qui «semble révéler que les mineurs sont de plus en plus impliqués pour des infractions plus graves qui restaient jusqu’à là l’apanage des majeurs», constate Christophe Soullez.

source : Liberation.fr
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