La Justice restaurative s’implante en France

Alors que le projet de loi de réforme pénale est en débat à l’Assemblée nationale, un colloque organisé au Conseil économique, social et environnemental (CESE2) a dressé l’état des lieux des initiatives de justice restaurative menées actuellement en France. Les avancées sont réelles.

 

 

Lundi 26 mai, à Paris, une centaine de personnes ont répondu à l’appel la plateforme pluriprofessionnelle pour la justice restaurative de débattre de ce concept de justice.

Cette journée, qui aurait pu largement réunir 300 personnes si la salle avait été plus grande, a eu comme originalité première de faire se rencontrer des acteurs différents et parfois antagonistes : aumôniers et visiteurs de prison, associations de victimes, associations de réinsertion d’anciens détenus, personnels de l’administration pénitentiaire, services d’insertion et de probation, avocats, policiers, médiateurs, philosophes, psychiatres, médecins, démographes et statisticiens ou encore hommes et femmes politiques.

 

Le député Dominique Raimbourg, rapporteur de la loi sur la réforme pénale, est venu présenter les détails de la « contrainte pénale déconnectée de la prison » et le démographe Pierre-Victor Tournier, spécialiste de population carcérale, en a fait un commentaire critique. Le philosophe Frédéric Gros, spécialiste de Michel Foucault, a réfléchi au sens de la peine.

 

 

L’expérience canadienne

 

Paul Mbanzoulou, directeur de la recherche et de la documentation à l’ École nationale d’administration pénitentiaire (Énap), a rappelé les expériences de médiations pénales en France, avant de présenter les résultats des premières rencontres détenus/victimes (RDV) à la prison de Poissy. L’un de leurs impacts est de lutter contre la récidive en responsabilisant l’infracteur, qui comprend par la bouche des victimes la portée de son geste. De telles expérimentations devraient désormais voir le jour en milieu ouvert à Pontoise (95). Si des victimes souhaitent se porter candidates pour y participer, elles peuvent contacter l’association Apcars3, association de politique criminelle appliquée et de réinsertion sociale.

Après le déjeuner, le québécois Jean-Jacques Goulet a présenté les cercles de soutien et de responsabilité (CSR), mis en place au Canada à la sortie de prison de délinquants sexuels à haut risque de récidive. Il s’agit pour ces infracteurs, toujours volontaires, d’être entourés par quatre bénévoles à leur sortie de détention, avec des rencontres hebdomadaires. Ces dernières visent à leur offrir un espace de parole afin qu’ils ne soient jamais seuls face à la tentation de récidiver. Au Canada, un ancien détenu présente un « haut risque de récidive » quand celui-ci est estimé supérieur à 17%.

Les CSR sont aujourd’hui importés en France et en Europe, notamment par le service pénitentiaire d’insertion et de probation (SPIP) des Yvelines et sa dynamique directrice Claire Mérigonde. Elle explique que ces CSR, en France, ne s’adressent pas uniquement aux délinquants sexuels, mais prioritairement aux personnes en situation d’isolement social quasi-absolu, quelque soit leur crime ou leur délit. Si des bénévoles souhaitent participer à des CSR dans les Yvelines, ils peuvent contacter le service (csr.spip-78(at)justice.fr).

 

 

L’avantage pour les victims

 

Le SPIP de Dax, dans les Landes, se montre actuellement très intéressé par le dispositif. Le Dr Florent Cochez, quant à lui, travaille pour l’Union européenne à évaluer l’impact des CSR. La criminologue Marion Trotignon

est venue présenter l’avantage pour les victimes de tels CSR, elle qui offre une aide juridique aux associations de victimes.

La journée s’est conclue par une intervention du président du CESE, Jean-Paul Delevoye, ancien médiateur de la République et ancien maire de Bapaume, commune qui a accepté la construction d’une prison sur son territoire. « Vous posez une bonne question avec la Justice restaurative, a-t-il affirmé aux participants. La victime est-elle capable d’une réconciliation avec elle-même et avec celui qui l’a fait souffrir ? » Autre question, plus immédiate : la Justice restaurative sera-t-elle incluse dans le texte final de la loi de réforme pénale ? Rien n’est sûr…

 

 

Marie Lefebvre-Billiez

 

(1) http://www.reforme.net/annuaires/personnalites/journaliste/marie-lefebvre

(2) http://www.lecese.fr/

(3) http://www.apcars.org

source : Reforme.net
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